Importance de l’éducation corporelle
Pour que le développement du corps soit l’une des conditions de l’apprentissage, L’EPS, trop souvent centré sur la performance, ne suffit pas : il faut une autre approche plus fondamentale : l’éducation corporelle, qui permettra à l’enfant de modifier ses relations à l’environnement.
Quels objectifs pour une éducation corporelle ?
– développer les capacités perceptives, pour permettre les prises d’informations qui permettront à l’enfant d’agir sur l’environnement.
On pourrait penser que le développement des sens se fait naturellement. C’était partiellement vrai autrefois. Mais nous savons bien que les enfants issus des H.L.M, les petits campagnards même, rivés de plus en plus devant le petit écran, les uns et les autres bousculés par la course permanente des parents, bénéficient de moins en moins des expériences naturelles qui développent ces capacités. Ecouter, sentir, ressentir, goûter et même regarder… sont des compétences dont il faut prendre conscience et qu’il faut développer.
– développer les capacités d’expression et de communication
» Il en va du corps comme du langage : un corps expressif est un corps chargé de vocabulaire dont on maîtrise le sens et la profondeur. Un sujet auquel on aura permis de vivre des actions très diversifiées avec le souci de l’éveiller aux sensations nées de l’action, aura plus de moyens pour fonctionner parce qu’il aura un pouvoir d’autorégulation ».
Béatrice Foucteau
Se connaître, maîtriser son comportement corporel, savoir adapter son comportement au milieu, s' »autoréguler », sont les bases d’une expression libre et consciente si importante pour les enfants et les adultes. Les sciences de la communication accordent une grande place au corps, au geste et à son effet sur l’autre.
– offrir le pouvoir de l’action
Agir sur le milieu, sur les êtres ou sur les objets (sur le monde). Cette capacité découle bien-sûr des deux précédentes, mais on pourrait en ajouter d’autres, plus fonctionnelles, comme courir, sauter, grimper, attaquer et se défendre, lancer… sans oublier les capacités de motricité fine (utiles aux apprentissages « intellectuels » comme tracer, découper, coller…) qui font partie également, même si on les développe aussi à d’autres moments, de l’éducation corporelle.
Il parait donc souhaitable, à chaque fois que les conditions le permettent, d’emmener les enfants hors l’école, dans la campagne, dans la forêt, dans les parcs des villes même (à condition qu’on ait le droit de marcher ailleurs que dans les allées !) pour qu’ils apprennent à connaître et utiliser toutes les ressources de leur corps. Les enfants redécouvriront, pour peu qu’on le leur permette, nombre d’activités naturelles.
Toutes les écoles ne bénéficient pas de la proximité de ces terrains d’aventure naturels. Faute de mieux, et les enseignants de ville le savent bien, on peut mettre en place des parcours artificiels.
Lorsqu’on voit alors ces enfants (qu’on amène en voiture jusqu’au portail) redécouvrir les gestes fondamentaux, on se dit que ce n’est pas du temps perdu…
Citons, parmi les autres lieux permettant une éducation corporelle : la piscine, la patinoire, la cour de l’école même, qui offre souvent des possibilités insoupçonnées et inutilisées (odeurs, bruits, obstacles, …), et bien-sur les lieux de classe transplantée toujours très riches. Tout milieu inconnu des enfants leur offre de nouvelles situations d’apprentissage de leur corps.
La tête et les jambes
Les activités d’apprentissages (écriture, mathématiques, éveil…) peuvent trouver leur déclencheur partout, et pour cela les pratiques corporelles sont souvent particulièrement propices.
Dans le témoignage qui suit, l’activité piscine, étalée sur de nombreuses séances tout au long de l’année pour cette classe de CE1, a été le prétexte, la motivation à des écrits… qui eux mêmes ont eu une influence certaine sur l’activité. Citons quelques-unes des questions-consignes proposées aux enfants, et qui leur ont permis, par la formulation de leurs réponses, de s’approprier l’activité physique, les possiblités et problèmes corporels et même psychiques, et par là même de les dépasser :
Séance 1 : que pensez-vous de la piscine ?
Séance 2 : choix de phrases (du genre : j’ai peur dans l’eau, j’ai un peu peur dans l’eau, j’ai très peur dans l’eau, je n’ai pas peur dans l’eau)
Séance 3 : mon meilleur moment et mon plus mauvais moment à la piscine.
Séance 7 : ce que j’aimerais faire à la piscine.
Séance 11 : ce que je ressens à la piscine : mes sentiments, ce que j’éprouve.
Séance 20 : quelles sont les qualités nécessaires pour nager ? »
Les textes libres, mais aussi les textes écrits d’après « question-consigne » et les nombreux dessins montrent bien que le l’éducation du corps et celle de l’esprit sont intimement liées parce que complémentaires.
En conclusion
« Pour apprendre à penser, il faut donc exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence ; et pour tirer tout le parti possible de ces instruments, il faut que le corps qui les fournit soit robuste et sain. Ainsi, bien que la véritable raison de l’homme se forme indépendamment du corps, c’est la bonne constitution du corps qui rend les opérations de l’esprit faciles et sûres.
Les premières facultés qui se forment et se perfectionnent en nous sont les sens. Ce sont donc les premières qu’il faudrait cultiver… »
Non, il ne s’agit pas de la conclusion d’une thèse d’un chercheur en Sciences de l’Education contemporain, ni du discours d’un Docteur en médecine. Cet écrit visionnaire a plus de deux cents ans, puisque c’est un extrait de « L’Emile » de J.J Rousseau.
Dès ses débuts, C. Freinet avait, parmi ses objectifs prioritaires la santé de l’enfant, le respect de ses rythmes biologiques et réclamait, dans les pages de la revue « L’éducateur prolétarien » une politique du travail, de l’exercice et du sport ».
Heureusement le besoin de mouvement des enfants et la nécessité d’une éducation physique sont aujourd’hui reconnus, au moins dans les textes:
« Le besoin de mouvement est fondamental, aussi indispensable que de respirer, et l’écolier qui supporte aisément le régime scolaire actuel qui exige de sa part des heures d’immobilité est anormal. Le besoin de mouvement est partiellement satisfait par des exercices d’éducation physique contrôlés. Mais il lui faut aussi des moments d’activité libre et désordonnée. Les deux types d’activité sont indispensables et ne se remplacent pas l’une l’autre. »
Dr Guy Vermeil
De l’utilité de la récréation
« A l’école, il faut agitation, cri, respiration violente, activité de jeu. Cette activité un peu explosive et essentiellement libre n’est pas remplaçable par la leçon de gymnastique. Elle est la seule qui mette en jeu tous les muscles du corps dans un désordre utile. »
Professeur Robert Debré
Les cinq domaines d’action
Les programmes fixent les compétences fondamentales à faire acquérir et définissent cinq domaines d’action dans lesquels peuvent entrer les supports d’activités :
– activités en domaine stable (gym, athlétisme…)
– activités de coopération et d’opposition (jeux collectifs)
– activités dans un rapport inter-individuel d’opposition (jeux de combat, de raquettes…)
– activités à visée esthétique (danse, GRS…)
– activités en environnement instable (voile, piscine, ski, patinoire, escalade…)